Nouvelle interview d'Ophélie Michaud, Œnologue Chargée de Communication Technique de Mouton Cadet
Bonjour Ophélie, pour commencer comme c’est la tradition au Canada, une question sur la météo. Comment vois-tu évoluer la météo à Bordeaux et quels sont les impacts sur ton travail?
La météo on la voit évoluer depuis plusieurs années, comme un peu partout dans le monde. On est 7 œnologues à travailler avec 150 vignerons partenaires pour Mouton Cadet, on échange beaucoup sur le fait que la météo change et que les aléas climatiques sont plus fréquents et intenses qu’avant. Avant on avait quasiment un calendrier similaire chaque année, on savait ce qu’on devait faire à quel période, maintenant on doit s’adapter au jour le jour. On fait plus de suivis au vignoble, et des suivis plus précis, car tout peut évoluer très vite. Mouton Cadet a un ancrage dans tout le territoire Bordelais qui est assez vaste, on se structure pour suivre la météo plus précisément car la notion de microclimat a tendance à s’accentuer.
On doit faire face à des nouvelles situations. Par exemple : pour définir la date de vendange, on déguste les raisins de nos parcelles ensemble avec nos vignerons, puis on s’appuie sur notre Département Qualité pour avoir des données de maturité chiffrées qui nous permettent d’affiner notre ressenti. En 2023, on avait des données de maturité bonnes avec des bons degrés de sucre, d’acidité et de tannins, donc on aurait pu déclencher la vendange, mais en goûtant les raisins, on ne ressentait pas les arômes : on n’avait pas encore atteint la maturité aromatique. Donc on a attendu et finalement la maturité aromatique est arrivée tout d’un coup, et sur tous nos cépages blancs et rouges quasiment en même temps, les vendanges ont par force été très condensées ! Les différentes maturités du raisin ont toujours évolué de façon asynchronisée, mais pas autant. On ne vivait pas ça avant.
En ce début d’année encore, il a fallu s’adapter : on a eu une année entière de pluie entre le mois de novembre et le mois de mai, ce qui n’est jamais arrivé auparavant. Il a fallu protéger le vignoble tôt contre les maladies, et notamment le mildiou. Les vignerons ont démarré l’année très intensément !
Le changement climatique est là, c’est une réalité, donc à nous d’adapter notre métier en étant encore plus à l’écoute de la nature.
Pour revenir à toi, peux-tu nous parler un peu de ton parcours, qu’est-ce qui t’a amenée à devenir Œnologue, est-ce que cela vient de ta famille?
Je viens d’une petite ville près de Poitiers, mon père est musicien et ma mère est dans la fonction publique, donc pas de rapport direct avec le vin! La connexion s’est faite avec mon grand-père paternel qui était charentais, bouilleur de cru, il avait un alambic et il distillait pour des particuliers. Mon père était passionné de vin, lorsque j’étais petite et donc trop jeune pour en déguster j’étais toujours intriguée de voir les bouteilles sur la table avec des noms de propriétés, des années, des appellations,… J’ai fait des études scientifiques et j’ai été fascinée par la biologie végétale. Je suis partie en école d’ingénieur agronome à Montpellier où il y avait des modules de découverte sur le vin et c’est comme ça que je me suis orientée vers le vin. Ça a été un déclic, je pense que la passion a circulé dans mes gènes!
Comment a commencé ton histoire avec Mouton Cadet?
Lorsque j’étais en 2ème année d’école d’ingénieur, j’ai eu une opportunité de faire un stage pour Mouton Cadet. J’ai travaillé pendant 4 mois avec l’équipe pendant les vendanges. Puis j’ai voulu faire une année de stages pour développer mon expérience terrain. J’ai suspendu mes études pour vinifier dans différents vignobles et je voulais aussi aller en Amérique du Sud pour voir comment ça se passait dans les pays du Nouveau Monde. BPhR a un vignoble au Chili, et j’ai pu travailler avec l’équipe chilienne pour 4 mois. J’ai adoré travailler pour BPhR de nouveau, mais dans un contexte différent : les terroirs, les cépages, presque tout était nouveau pour moi ! Puis j’ai fini mes études et quand j’ai commencé à chercher du travail, un poste s’est ouvert dans l’équipe des œnologues Mouton Cadet, pile celui que je convoitais, car il mêlait le technique et de la communication. J’ai été choisie et suis rentrée chez BPhR en 2014 ; j’y suis toujours!
Peux-tu nous parler d’un projet sur lequel tu as travaillé qui t’a enthousiasmé en particulier?
Oui, je pense à un projet récent qu’on a démarré sur le millésime 2021. J’ai la chance de travailler pour une société à l’écoute de ses consommateurs. Mouton Cadet, c’est un vin qui existe depuis 1930, donc on a régulièrement fait évoluer son style et son image, car les goûts de nos consommateurs ont changé au fil du temps ! Parfois un jeune consommateur peut avoir l’impression que le monde du vin est complexe. Mouton Cadet se concentre sur l’appellation Bordeaux, cela simplifie beaucoup les choses pour nos consommateurs, ça nous permet de nous adresser à un plus large public. Toujours avec cet objectif de rendre le vin accessible, on a commencé à produire une nouvelle gamme de vin, qu’on appelle la collection fresh. On a commencé avec Mouton Cadet Rosé x Mathilde, qui est disponible au Québec et dans le reste du Canada, avec une production bio, un style de rosé frais et élégant, sur le cépage Merlot qui est un cépage très fruité. On a aussi travaillé l’étiquette qui devait traduire ce côté frais, inspiré par la côte océanique et le bassin d’Arcachon. On a étendu cette gamme à un Blanc, Mouton Cadet blanc x Nathan (j’espère disponible prochainement chez vous !) qui est un Sauvignon blanc, puis nous travaillons également sur un vin rouge frais et léger. La collection fresh nous a amenés à changer notre façon de travailler de la vigne au verre, et j’ai trouvé ce projet très stimulant !
Qu’est-ce qui te rend le plus fière dans ton travail d’œnologue et qui te donne un sentiment d’accomplissement ?
Plusieurs choses! Le monde du vin est fascinant, chaque année est différente et redistribue les cartes, on doit être agiles et d’adapter pour toujours créer des vins de qualité !
Notre travail sur la conversion en bio également : 30% des parcelles en suivi Mouton Cadet sont conduites en agriculture biologique, et nous avons démarré ce travail de conversion il y a 5 ans seulement ! L’agriculture biologique demande beaucoup plus d’attention au vignoble, il faut protéger le vignoble du mieux que possible, également revenir à un travail des sols mécaniques,... C’est un travail colossal qu’on a réussi à mener de façon efficace grâce à nos relations fortes avec nos vignerons Mouton Cadet !
Au-delà de notre travail sur le déploiement du bio, on travaille aussi depuis cette année sur la labellisation ‘’Fair for life’’, dans une démarche de commerce équitable.
Il y a beaucoup de choses qui me donnent un sentiment d’accomplissement dans mon métier de tous les jours. Ce qui me plaît aussi c’est d’avoir un sentiment d’appartenance : on travaille pour une Société familiale. La 3ème génération de la Famille est actuellement à la tête de la Société, et on commence à rencontrer la génération future qui sera la 4ème, avec Mathilde, Nathan et Pierre qui signent la collection Fresh. On est régulièrement au contact de la Famille qui nous partage sa vision, ça donne du sens à notre travail et c’est très motivant !
Merci d'avoir partagé ta passion avec nous et bonne visite à Montréal!